« UN CADRE POUR SYMBOLISER »

 

 

Cadre Liége 2004. (LIEGE 30-1-2004).

R ROUSSILLON.

 

 

 

Réflexion sur les dispositifs de soin en général.

◊Le modèle référentiel est celui de la situation psychanalytique la mieux connu la plus « analysée ».

◊Mais elle est « régionale » elle correspond à un cas particulier des dispositifs-analysants.

◊Extraire et abstraire à partir de la situation psychanalytique les principes généraux des dispositifs symbolisants, ou du moins une partie d’entre eux.

 

A-LES DISPOSITIFS-SYMBOLISANTS.

 

Tous les systèmes sociaux humains sont confrontés à la question essentielle et fondatrice de la symbolisation, ce qui les différencie c’est la place qu’ils lui donnent et la manière dont ils la traitent.

 

◊On peut définir trois types de dispositifs-symbolisants et subjectivants, en fonction de la manière dont ils traitent le paradoxe de la non-identité à soi de la psyché humaine.

 

◊Les trois types concernent les dispositifs institutionnels ou sociaux, les dispositifs artistiques ou artisans et enfin les dispositifs analysants.

 

  1. Les dispositifs institutionnels ou sociaux.

 

◊Il s’agit d’organiser la possibilité d’un travail de symbolisation à partir d’une production non-symbolique. L’organisation n’est pas centrée sur la symbolisation, mais elle a des effets « symbolisants », par ricochet ou par effet latéral.

 

◊Se mêlent à la symbolisation d’autres enjeux, d’autres « réalités » (production de biens de consommation, autoconservation corporelle etc.) qui interfèrent et sous-tendent le travail de mise en sens ou se conflictualisent avec lui.

 

◊Leur appui majeur s’effectue sur la « secondarité » et les systèmes de symbolisation secondaire, les modalités de symbolisation primaire sont tenus « refoulés » tant que possible, l’organisation est « faite » pour tenir refoulée l’activité fantasmatique, ou pour la canaliser la dériver en fonction de la tâche primaire de l’institution.

 

◊Majeure partie des dispositifs sociaux (cf. les travaux d’E Jacques cf. Santé Mentale et Communauté à Lyon etc.).

 

Ils sont toujours en arrière plan des autres. Problème dans les pays « totalitaires » ; problème du « méta-cadre » social.

 

 

  1. Les dispositifs artistiques et artisans.

 

◊Dispositifs culturels, artistiques : peinture, collage, photo, terre, théâtre, musique etc.

 

◊Le socius organise en son sein des espaces dans lesquels la secondarité va être conventionnellement « suspendue » pour rendre possible une « ouverture » et une expression des processus primaires. Organisations « culturelles » qui donnent place au primaire, elles définissent une forme de « transitionnalité » sociétale.

 

◊Centrés sur la production d’objets symboliques ou symbolisant. C’est un cas particulier des précédents dans lequel la « production » concerne directement la symbolisation.

 

L’interférence des niveaux de réalité existe, mais elle est atténuée par la centration sur la production d’objet symbolique. La différenciation réalité matérielle /réalité est suspendue, la « matière » c’est le symbole lui-même.

 

Autotélie, ils trouvent donc leur fin en eux-mêmes. C’est l’art pour l’art, la symbolisation pour la symbolisation, (le plaisir pour le plaisir ?) le seul « but » est celui de la production de représentations, pour le plaisir. Ils sont spécialisés dans la production d’objet ou de représentations « symboliques ».

 

◊On ne cherche pas à dégager les enjeux de réalité psychique engagés et symbolisés dans les objets produits. L’enjeu de réalité psychique est à la fois central et non dégagé comme tel, il est suspendu, mis entre parenthèse. Quelque chose se symbolise mais sans chercher à dégager ses enjeux spécifiques, sans chercher à s’y approprier subjectivement.

 

◊La symbolisation « primaire » est souvent au premier plan. Le travail produit est un travail de mise en forme de mise en représentation, de figuration.

 

◊Le problème de l’appropriation subjective des enjeux latents ne se pose pas comme tel, n’est pas directement engagé.

 

  1. Les dispositifs-analysants / subjectivants.

 

◊C’est un cas particulier des précédents, il est donc aussi centré sur la production de représentation, de symbole de figuration.

 

◊Mais cette production est ordonnée à un autre enjeu plus fondamental, plus essentiel, celui de dégager les enjeux conscients et inconscients des représentations et figurations produites, c’est-à-dire de produire des effets de réflexivité.

 

◊Par ce biais l’appropriation subjective des enjeux du travail de symbolisation passe au premier plan.

 

◊Les dispositifs-analysants s’appuient sur les dispositifs artistiques ou artisans, mais ils s’en dégagent par des « fins » différentes.

 

◊Ils réfléchissent le travail de symbolisation, ils réfléchissent les conditions / pré-conditions du travail de symbolisation, ils réfléchissent la symbolisation elle-même, ils symbolisent la symbolisation.

 

◊Ils symbolisent la symbolisation, représentent la représentation pour rendre son appropriation subjective possible.

 

 

B-LES DISPOSITIFS SOIGNANTS DES CLINICIENS.

 

=> Se répartissent dans les trois types de dispositifs décrits, mais ils sont vectorisés par le troisième. Ils tendent à « symboliser la symbolisation » pour optimiser l’appropriation subjective.

◊Plus on se rapproche des dispositifs-analysants plus la symbolisation passe au centre, plus elle s’épure, plus elle tend à se réfléchir et à viser l’appropriation subjective.

 

◊Les dispositifs des praticiens tendent à viser un confort de travail, un confort du dégagement de la réalité psychique et de ses enjeux.

 

=> Travail de déparasitage de la pratique par rapport aux autres ordres de réalité (matérielle et biologique) nécessairement impliqués.

=> C’est une épure idéale, les autres ordres de réalités ne peuvent pas complètement être mis entre parenthèse, même dans le prototype des dispositifs, le dispositif a.

 

Trois fonctions, trois tâches, trois « temps » du processus.

°Fonction phorique, fonction de contenance, de « portance », de « maintenance » du dispositif.

°Fonction sémaphorisante, mise en signe, en forme-signe.

°Fonction métaphorisante, mise en scène, en sens.

 

◊Ils sont ordonnés pour cela à une triple tâche.

=> Attracteurs de la réalité psychique, de son transfert.

=> Condensateurs de ses effets intersubjectifs.

=> Révélateurs de celle-ci (sens photo).

 

◊Le dispositif est destiné à traiter le paradoxe de la « chose non semblable à elle-même », de la chose qui « représente », et le paradoxe de la différence entre la chose elle-même et ce qu’elle « représente » ( G Bateson), Mais aussi comment les « choses » représentent « la représentation » elle-même, ou son absence.

 

C-HUIT IMPÉRATIFS POUR LES DISPOSITIFS-SOIGNANT DES CLINICIENS.

 

1-Ils symbolisent la symbolisation.

=> Le dispositif incarne la symbolisation, il la montre, il y invite.

Ex : pièce avec jouets pour les enfants.

=> Il présente de fait ses conditions de possibilités, ses moyens et outils, il spécifie, par leur « présentation », les objets (object-presenting) grâce auxquels elle pourra avoir lieu.

=> Il met en acte la disposition d’esprit qui le commande.

=> C’est « un fait exprès » pour la symbolisation.         => Tout est construit, ordonné à cet usage.

=> Il dit en « chose » la symbolisation, il l’a dit « en fait », « en acte ».       => Ex : Jeux dans une pièce, papier /crayon, divan/fauteuil etc.

NB : Il doit dire la symbolisation pour ce sujet-là => il implique un « sur-mesure » pour le sujet.

 

2-Théorie de la symbolisation.

=>Le dispositif contient une « théorie » de la symbolisation matérialisée. Il « contraint » à un mode de symbolisation qu’il privilégie. Il « apprend » quelle symbolisation est acceptable ou souhaitée dans le dispositif, quel matériel est « signifiant » c’est-à-dire considéré comme « message », comme « signe », il fabrique du signe, il « sémaphorise ».

Ex : Psychanalyse.

° Symbolise en parlant.

° Restriction de la motricité.

° Restriction de la perception.

° Absence etc.

=> Dans d’autres dispositifs, certains éléments varient.

Ex : en parlant, en dessinant, en jouant, en modelant, à l’aide de photos, d’une médiation matérialisée etc.

=> On ne symbolise pas tous de la même manière, ni de la même manière au même âge.

Ex : pour les enfants, la motricité et la perception sont nécessaires.

Avec les très jeunes enfants présence d’un parent ou d’une personne significative pour l’enfant.

=> Ou encore dans la présence (miroir de l’autre).

Ex : « face à face », ou « côte à côte ».

=> Avec des objets médiateurs (projectifs, autre médiation, groupe, famille etc.) perceptifs, manipulables.

=> Différentes théories de la symbolisation suivant les ages et les niveaux de capacités symbolisantes atteintes, et donc différents types de dispositifs-analysants.

 

3-Le dispositif « contient » une histoire.

=> Produit d’une histoire, dispositifs typiques ex :

° Psychanalyse (Baquet)

° Psychodrame (Moreno, CEFFRAP)

° G Hagg (Autisme)

°Thérapies familiales (systémique).

=>Une histoire « collective » mais aussi une histoire individuelle (identifications professionnelles et personnelles, référence au tiers, au père originaire, à la mère originaire etc.)

 

4-Trois ordres, trois niveaux de symbolisation.

=> Symbolisation secondaire (les raisons manifestes des dispositifs) préconsciente.

=> Symbolisation primaire (l’infiltration imaginaire de la situation, fantasme sous-jacent à l’investissement du dispositif, transfert sur le dispositif).

Ex : L’homme aux rats (2°séance) le bocal et son « rat » de Freud.

=> Hiatus entre les deux, tension de travail, conflit.

=> Symbolisation tertiaire, le processus analysant comme issu de cette tension et des modalités du travail qu’elle implique.

 

5-« Utilisation » du dispositif.

=> Transfert de l’espace interne de la symbolisation sur le dispositif-praticien nécessaire à son utilisation. Le lieu devient « sacré ».

=> Attraction de la symbolisation, « séduction » du dispositif, « par » le dispositif.

=> Condensation de la symbolisation, tout devient « message » adressé, tout est entendu comme « en souffrance » de symbolisation.

=> Révélation de la symbolisation, le matériel devient « signifiant », message adressé « pour » être symbolisé.

 

6-Transformations du dispositif.

=> Modifications du fonctionnement de la psyché pour son transfert.

=> Règle fondamentale vise à apprendre à symboliser dans ce cadre-là. et de la « bonne » façon.

=> Dispositif et règle : appareil de transfert/transformation

Ex : Métaphore du train S Freud, série de transformations.

°Appareil moteur.

°=>Appareil de figuration visuelle dynamique.

°=>Appareil de langage.

°=>Appareil d’action.

°=>Appareil de jeu.

°=>Appareil de sens (méta-jeu) et d’appropriation.

 

7-Transfert sur le dispositif. Transfert comme rapport, comme histoire.

=>Transfert sur le , histoire du transfert des objets-symbolisants, des particularités idiosyncrasiques de ces objets.

=>Transfert sur le médium. Contenus mis en forme.

=>Transfert sur le dispositif, histoire du rapport à la symbolisation, histoire de ses réussites de ses aléas, de ses contextes etc.

 

8-Paradoxe du dispositif.

=> Ce qui est dit et vécu est éprouvé « pour de vrai ». (Rapport, relation actuelle), actualisation, reviviscence, réminiscence. Le transfert est « agieren », actualisation d’un pan de l’histoire non approprié.

=> Mais ce qui est amené « vaut » pour re-présentation. (Reprise de l’histoire).

=> Le dispositif « signifie » la représentation. Il « représente » l’espace de la mise en représentation du dit et du vécu. (Bateson 1954).

=> Quand une chose est inscrite elle « signifie » sa représentation, elle signifie elle-même et autre chose qu’elle symbolise.

=> Le dispositif traite le paradoxe de l’impossible différence entre la chose elle-même (ou l’affect ), et la chose ou l’affect pris pour, traité comme une représentation, un signe, un signal. Entre l’actuel et l’actualisation et la représentation, entre la forme passionnelle et la forme signal, messagère.