I Calvino

Calvino

À Propos de « Si par une nuit d’hiver un voyageur » d’I Calvino.

R.Roussillon

 

 

[parlé en regardant la salle, le ton est inquiet, un peu tremblant]

 

Je suis assez inquiet au moment de commencer à parler. Je viens de vivre une expérience émotionnelle qui m’a singulièrement retourné.

 

J’étais dans le lavabo pour boire un verre d’eau. Je pensais à ce à quoi je pense toujours ces temps-ci quand je suis devant un miroir, c’est-à-dire bien sûr au style « vogue ».

 

Une formule venait de me venir à l’esprit « J’aimerais danser mon texte »… avec mon texte ?… non, danser mon texte, pas le chanter ni le déclamer, le vociférer, le mimer, ni même le jouer mais le danser.

 

Le danser dans le style vogue.

 

 

 

*

 

 

[partie lue, le ton change, l’émotion a disparu, informatif ]

 

Ici la main a introduit une première page culturelle.

 

Le style vogue en danse c’est la mise en scène sur soi et à travers soi d’une star, d’une vedette d’un représentant du monde dit du spectacle.

Cette mise en scène se signale elle-même: par exemple dans le clip de Madona les danseurs encadrent de leurs mains ouvertes leur visage comme pour souligner qu’ils ne doivent pas être vu comme eux-mêmes mais comme le portrait encadré de l’étoile qu’ils figurent.

Plus la figuration sur soi de la star sera réussie et plus paradoxalement le vogueur sera lui-même.

 

Je me regardais donc en mon miroir en pensant à cette formule énigmatique : « danser mon texte dans le style vogue ». Quand soudain, ce fut, vous l’avez deviné, ce qui me retourna, je me mis à ressembler à moi-même, pas à n’importe qui ou à n’importe quel moi, à moi-même. Vous imaginez mon effroi.

Seule une différence, une petite différence me permit sans doute, mais c’est maintenant et avec du recul que je pense cela, de ne pas immédiatement devenir fou. Je n’étais plus habillé pareil. A la place de la chemise noire et du pantalon noir que je portais comme pour indicier le style vogue, chemise noire soyeuse et pantalon dit de soirée que j’avais pris soin d’agrémenter d’une veste Camel en cachemire. Il faut vous dire que, comme je n’ai rien d’un artiste, en vérité et comme vous le savez ou vous ne tarderez pas à le découvrir, j’avais trouvé nécessaire pour venir ici de me vêtir d’une tenue qui pourrait faire penser que j’avais quand même quelque chose de cela, une manière de me déguiser en artiste en somme.

 

Donc cette petite différence était que je me voyais dans le miroir habillé d’un costume bleu – bleu classique, avec juste un petit liseré vert mais fondu dans la trame du tissu.

 

Et puis tout bascula, le costume bleu d’un côté et là dans le miroir la chemise noire soyeuse, le pantalon de soirée, la veste Camel là, sur un autre que moi.

 

Qui étais-je donc devenu ?

 

Où étaient passées les habitudes de moi sur lesquelles j’ai coutume de m’appuyer pour parler en vérité et ce lutin sur qui je comptais pour pouvoir être en mesure de jouer ce soir ici.

 

Je n’étais plus vraiment moi-même ou plutôt trop, enfin je ne savais plus.

Je ne savais plus quel étrange personnage allait se présenter à vous, j’en tremblais… j’étais comme possédé.

 

 

Vous l’avez compris la vérité est plus banale.

Depuis cet été, et au moment même où je commençais à penser à ce que j’allais dire ce soir une main, un autre s’est emparé de moi.

Tout d’abord j’ai pensé qu’elle m’allait comme un gant, présence interne un peu rassurante, façon de compagnie avec qui dialoguer le soir à la veillée. Lecture partagée, tranquillité bourgeoise. Et puis cet autre a pris ma main et s’est mis à écrire… à propos de la littérature en particulier et de certains auteurs italiens que je ne connaissais que de nom, Umberto Ecco, Italo Calvino.

Pour Babel laisse-moi faire, inculte, et tu liras ce que tu vas écrire, me dit-elle. Je me révoltais ! Quand je suis face à un public j’ai besoin de rentrer en contact visuel avec les gens à qui je parle. C’est pourquoi je ne lis jamais et parle librement, en improvisation. Et puis je ne suis pas aussi inculte que ça.

Depuis quand date la lecture silencieuse? me fait écrire la main, qui est St Ambroise ? Je ne le savais pas, je le confesse, j’avais perdu. Alors voilà ce qu’elle me dicta et j’appris à accepter son emprise. J’y trouvais même du plaisir.

Cela commence par un titre,

L’auteur et le lecteur : façons d’emprises

à propos de « Si par une nuit d’hiver

                                             un voyageur… » d’I. Calvino

 

et puis après un nom :

  1. Roussillon

et une date :

Août 1990

 

et voici le texte qu’elle rédigea d’une traite :

 

Il y a beaucoup de livres sur le livre, voire le Livre – que l’on écrit alors avec une majuscule – ou sa forme moderne comme chez Umberto Ecco – le Plan. Il y en a beaucoup moins qui sont centrés sur le lecteur, sur la lecture, sur la question des rapports de l’auteur à son lecteur et sur la position de celui-ci, du moins de manière manifeste et réfléchie.

 

En écrivant cela je me souviens cependant de certains travaux du groupe « Tel Quel » du Ph. Sollers maoïste du début des années 70. La lecture était alors à l’honneur. On proposait sa « lecture » de tel ou tel auteur, on écrivait lecture/écriture pour souligner que le lecteur était l’auteur de sa lecture, qu’il sélectionnait, redécoupait, réorganisait le livre à sa convenance et au nom de son Désir (que l’on écrivait alors aussi avec une majuscule). Bref le lecteur construisait son objet et dans ce processus il réécrivait le livre.

 

On ne se souciait peu alors de ce que l’auteur avait « voulu dire ». N’avait-il pas un « inconscient » comme tout le monde et que faisait-il d’autre, après tout, que proposer « sa propre lecture » de son œuvre ? Une lecture en vaut une autre, à chacun sa lecture. Le lecteur était roi : c’était la société de consommation.

 

Ces temps ont changé, certes on admet toujours que le lecteur réorganise sa lecture, qu’il en est bien le sujet, mais la remarque n’en est plus essentielle. Ce qui a ensuite passionné les analystes – mais ce n’étaient plus les mêmes – ce fut le processus de création, les rapports du créateur à sa création – rapports d’engendrement, de retournement – mais aussi les phases du mouvement créateur, de son moment d’émergence et de la régression qui l’accompagne.

 

La place du lecteur s’est estompée, la procédure de lecture avec elle. Au centre est maintenant l’œuvre et son origine, son espace de déploiement, son rapport à l’expérience vécue, au corps. L’auteur est maintenant celui qui arrive à se saisir d’un fragment de vécu archaïque, qu’il est parvenu, au prix d’une crise, à arracher à la gangue des refoulements primaires pour, à partir de lui, réaliser l’œuvre à venir.

 

Celle-ci apparut dans sa structure narcissique, miroitèrent ses effets de double, de redoublement. Elle s’interrogeait sur elle-même, produisait comme un doublon de son propre processus d’engendrement.

 

Les analystes rejoignaient en cela les écrivains hantés de tout temps par la question de l’origine de leur propre création.. « Ça écrit » note Italo Calvino. « Ça écrit à travers moi » ajouterais-je. C’est un fait d’histoire, quand ils cherchent à théoriser leur processus créateur, les écrivains se décrivent souvent comme de simples lecteurs de quelque chose qui les habite, et les possède.

Enigmatique jaillissement en soi, inspiration venue de quelque lieu, souvent féminin, souvent insu de soi, comme s’il fallait innocenter les aspects transgressifs de la création, mais aussi comme s’il fallait reconnaître la réalité vécue d’une passion, voire d’une possession.

 

Au XVIIe siècle, l’exposant baroque, est le livre et le lecteur. Il lit les signes déposés en lui par Dieu, signes en souffrance de destinataires souvent aussi de sens. C’était l’Ars Magna, l’écriture magie, le Grand Architecte du monde y laisse des messages, forêts de symboles beaudelairiennes avant la lettre, à déchiffrer.

 

Puis Dieu commença à être chassé du paradis des théories de la création. Se retournant vers sa propre zone d’ombre, le poète romantique – celui du Cénacle par exemple – chercha dans la « vision » poétique, le « rêve-vision », la lumière diaphane du créer. Plus de Muse, sauf par métaphore, Dieu parfois encore, mais sans conviction véritable. Le romantisme accostait sur les rivages d’une zone d’absence à soi-même sur laquelle l’ombre de l’objet dessinait en négatif la source du moment créateur.

 

L’écrivain poète n’était plus « visité », ni exposant, il « visionnait » un fragment de l’insu du monde, de son monde. La folie était parfois au rendez-vous de ce retour sur soi souvent mélancolique, la marginalité toujours. L’homme du bien dire se trouvait souvent maudit, charogne, Albatros sur le pont de l’humaine société. Le génie littéraire se signifiait comme tel dans l’exil à soi. Ethéré, esthérifié parfois, il n’accostait que rarement au port pour un transit rapide.

 

La vision se paye toujours d’un non- lieu elle est utopique ou mieux atopique.

 

Le romancier romantique profita aussi parfois de cette extraterritorialité pour exercer son œil critique, se faire analyste, peintre minutieux d’une société dont il se tenait à l’écart, retiré pour mieux cerner la caricature de la pesanteur misérable du monde. Le Poète et le romancier romantique étaient analystes, des mots, de la société, de l’œuvre.

 

Comme l’analyse, l’écriture est une parole « couchée ».

 

Avec la modernité, la création littéraire fut doublée sur sa gauche, elle rencontra l’analyste, la machine analytique. Déjà, depuis longtemps, l’écriture avait engendré le critique. Celui-ci tantôt laudateur, tantôt censeur du goût, juge, ne s’intéressait pas tant aux conditions de la création qu’aux effets produits par l’œuvre, il était engagé dans la question de l’esthétique, en ceci il se situait dans l’orbite de la création, comme son satellite adhésif, il gérait son envie, sa marginalité propre, en acceptant de jouer le jeu identificatoire.

ll restait néanmoins à sa place, témoignait de l’impact affectif de l’œuvre.

Il se régalait aussi parfois; le critique était homme de goût plus qu’homme de science ou d’analyse.

 

La « nouvelle critique » fut analytique. Elle traqua la métaphore obsédante de l’auteur, son fantasme organisateur, la morphologie de ses tropes, ses effets sémiotiques, sa configuration narrative. L’ancienne critique restait sous l’emprise de l’œuvre, au pire elle la jugeait, mais dans sa zone d’influence. La « nouvelle critique » quant à elle chercha à se déprendre des effets d’influence de l’œuvre, elle se désubjectiva ou feint de se désubjectiver, elle devint objective, pire … structurale.

 

Dès lors, pour tout écrivain au fait de la chose comment écrire sans sentir, au moment même de prendre la plume pour quelque envolée légère, le lecteur-analyste tapi dans l’ombre de la page blanche, à guetter le non-dit de l’œuvre, son poids d’inconscience à soi, la réverbération muette de son fond corporel…, froidement.

 

Nul doute que l’écriture en fut modifiée, que sa relative clarté innocente en fut troublée, un peu plus séduite. Certes si l’écriture est révélation, depuis toujours, si elle cherche à éclairer quelque tréfonds de soi, de l’autre, c’est au prix du déguisement, du déplacement. Ecrire c’est transférer, révéler en cachant.

Mais dans l’ensemble, à ce jeu-là, des gens d’écriture, poètes ou romanciers, étaient passés maîtres, étaient restés maîtres. Les nouveaux analystes étaient des professionnels du latent, avec eux il fallut raffiner.

 

Certaines œuvres furent sans doute écrites pour l’analyse critique, pour que les critiques-analystes puissent y retrouver leurs brillantes hypothèses, manière subtile de subvertir celles-ci. D’autres auteurs encore se montrèrent avertis, ils inclurent dans le processus créatif des auto-références destinées à faire savoir qu’ils n’étaient pas dupes, à établir une alliance critique avec le lecteur-analyste potentiel. Je sais bien mais quand même… il faut bien écrire, mais on est freudien ou structuraliste, on maîtrise son art, ses figures du discours, ses tropes, sur le bout de la plume.

 

Tenez, juste un exemple récent, un chef-d’œuvre cependant, le « Moon Palace » de P. Auster de traduction récente chez Actes Sud. Je le lisais cet été : c’est un roman « psychologique » qui se présente un peu comme une auto-biographie. Parfois comme en abyme : une auto-biographie de l’auto-biographie. Eh bien, dans le troisième quart du livre, P. Auster se livre à la « psychanalyse » en bonne et due forme du livre de celui qui deviendra le père du héros…En voici un échantillon.

 

« Ce livre m’est précieux en tant que document psychologique, il démontre mieux que tout autre preuve la façon dont Barber a extériorisé les drames intimes de ses premières années. Il refuse d’accepter que son père soit mort; mais s’il n’est pas mort, rien ne l’excuse de n’être pas revenu auprès de sa famille (d’où le couteau que Kepler junior enfonce dans le cœur de son propre père). L’idée cependant est trop horrible pour ne pas inspirer de répulsion… L’histoire entière est une danse complexe de culpabilité et de désir. Le désir se transforme en culpabilité, et puis parce que cette culpabilité est intolérable, elle se mue en désir d’expiation, de soumission à une forme de justice cruelle et inexorable » (p. 314).

 

Le fragment est digne du meilleur analyste des années cinquante. Il n’est jusqu’aux tics des analystes ou des psychistes qui apparaissaient. Je cite :

 

« Ce n’est pas par hasard, à mon avis, que Barber s’est spécialisé par la suite dans l’exploration de plusieurs des voies qui apparaissent dans « Le sang de Kepler » – … il y avait toujours à l’arrière-plan de sa recherche un motif personnel, la conviction secrète que d’une certaine manière il fouillait les mystères de sa propre vie ».

 

Le « Sang de Kepler » est le titre du livre ainsi analysé par P. Auster, mais Kepler, héros supposé de ce livre dans le livre, fut aussi l’un des explorateurs du ciel, de la lune. « Moon Palace » est le titre général, lui aussi ce « n’est pas par hasard » comme l’écrit P. Auster.

 

Aujourd’hui où une certaine critique littéraire est analytique, les écrivains lisent les analyses que les critiques font des écrivains, ils ne peuvent pas ne pas en tenir compte, elle les hante parfois.

 

Si la structure de l’œuvre ne peut que rester « narcissique » (D. Anzieu), elle doit aussi intégrer maintenant cette espèce de savoir sur elle-même, intégrer la lecture analytique à laquelle elle est confrontée. Cela amène parfois des effets convenus. Il serait, par exemple de mauvais ton chez Pivot ou Rapp de ne pas « convenir » que le personnage, héros principal de son roman, représente une partie de soi : ne pas en convenir serait se montrer naïf et amènerait un échange de sourires complices de ceux qui « savent ».

 

Il ne fait guère de doute pour moi qu’I. Calvino, écrivain et critique (« La machine littéraire  » Seuil) écrivain et « professeur » de littérature (« Les leçons américaines  » Gallimard) ait connu l’ensemble de ces courants analytiques, nul doute que, quelque soit son talent personnel, et il est grand, il n’ait eu à se confronter à son propre point de vue analytique. Italo Calvino est intelligent, presque trop.

 

Son livre « Si par une nuit d’hiver un voyageur…  » met en scène le lecteur, des lecteurs, des lecteurs passionnés, des lecteurs analystes, des lecteurs politiques, il met aussi en scène le débat de l’auteur avec le lecteur, avec les lecteurs naïfs ou non, la question de l’emprise mutuelle de l’un sur l’autre et des modalités de la déprise mutuelle. La manière dont il procède me rappelle une mauvaise blague de mon enfance. Le lieu où nous sommes m’invite à la raconter.

 

Un fou se promène dans un asile en tirant par une ficelle…, non pas une bobine, mais une brosse à dent – variante subtile et plus tardive – Le psychiatre local le rencontre dans sa déambulation et, séducteur convenu et averti, lui demande « comment va son chien ? ». Le fou, sans se départir de son calme paraît cependant étonné. « Ce n’est pas un chien, ce n’est qu’une brosse à dents au bout d’une ficelle » dit-il alors d’un air convaincu, peut-être encore un peu suspicieux.

 

Le psychiatre s’éloigne alors, partagé entre la frustration de l’échec de sa manœuvre séductrice et le contentement à considérer les effets bénéfiques des traitements. Merveilleuse victoire de la psychiatrie biologique moderne. Cependant, lorsqu’il s’est éloigné suffisamment, le fou se tourne alors vers sa brosse à dents et lui glisse dans un murmure, malicieux :

« On l’a bien eu Médor « hein ! ».

 

Médor était à l’époque le nom convenu pour le chien. J’avais 8 ans et je préférais les chiens aux brosses à dents encore que j’étais déjà sensible, je m’en souviens, à leur ressemblance profonde : la bouche et les poils.

 

Vous me permettrez une autre histoire, celle-ci sans doute de meilleur goût puisque reprise d’un classique « mot d’esprit » connu de vous tous, elle met en scène deux Juifs qui se rencontrent ou un Juif double. L’un dit à l’autre :

 

« Menteur; pourquoi me dis-tu que tu vas à Cracovie pour que je crois que tu vas à Lemsberg alors que tu vas à Cracovie » ?

 

A la structure narcissique de l’œuvre répond la structure narcissique de la lecture avertie, critique, analytique, le tout redoublé maintenant d’une écriture qui inclue sa propre perspective critique. Mode de Lemsberg qui masque par un redoublement le vrai destinataire, la vraie destination.

 

Comme l’écrivait G. Deleuze dans « Logique du sens  » « la surface c’est le plus profond ».

 

 

 

[ton d’emprise, rapide, comme une toile de mot, un enveloppement ]

 

A la surface du texte, sur sa peau première, son style. Celui-ci enserre le lecteur dans une trame invisible, impalpable, mais qui petit à petit l’envahit, le prend pour lui imprimer une atmosphère particulière, un mode singulier de rapport à la chose. A travers la pragmatique de son écriture, sa tournure, son rythme tout autant que dans le choix de ses mots l’auteur fait vivre au lecteur une chose de lui-même, une expérience singulière, un éprouvé corporel, une ambiance d’être.

Quand l’écriture n’est pas celle d’une poétique réfléchie, elle trouve dans une rhétorique de l’influence la matière pour transmettre certaines représentations-choses, certains éprouvés non dicibles, certains étouffements. C’est souvent une erreur de penser que l’auteur se dit lui-même à travers son écriture. Certes dans les personnages il met quelque chose de son expérience, mais c’est dans les effets de son écriture que s’insinue le plus sa marque propre et celle-ci le démarque. Ensuite, cette part de soi en transit dans l’autre fait courir le risque d’un vide d’une vidange. Alors il lui faut tenir le lecteur, ne pas le laisser s’échapper, il lui faut le captiver, le rendre captif pour garder dans l’autre mais à porter de texte ce dont on s’est démarqué.

 

L’asthme de Proust, l’ambiance lourde d’encens dans laquelle il écrivait c’est autant dans la ponctuation qui oblige à retenir son souffle que dans la langue qui envahit la bouche qu’il faut pouvoir le saisir.

 

« Quand je pense maintenant que mon amie était venue, à notre retour de Balbec, habiter à Paris sous le même toit que moi, qu’elle avait renoncé à l’idée d’aller faire une croisière, qu’elle avait sa chambre à vingt pas de la mienne, au bout du couloir, dans le cabinet à tapisserie de mon père, et que chaque soir, fort tard, avant de me quitter, elle glissait dans ma bouche sa langue, comme pain quotidien, comme un aliment nourrissant et ayant le caractère presque sacré de toute chair à qui les souffrances que nous avons endurées à cause d’elle ont fini par conférer une sorte de douceur morale, ce que j’évoque aussitôt par compassion, ce n’est pas la nuit que le capitaine de Borodino me permit de passer au quartier par une faveur qui ne guérissait en somme qu’un malaise éphémère, mais celle où mon père envoya maman dormir dans le petit lit à côté du mien ».

A la recherche du temps perdu,

Tome III,

Marcel Proust, Gallimard.

 

 

[ton serein, explicatif, professoral ]

 

Pour souffler un peu ici la main a inséré une page culturelle.

 

Avant de découvrir la lecture silencieuse, l’enfant lit à haute voix. On lui apprend alors à mettre le ton et à découvrir les effets de ponctuation. Ensuite ce mode de rapport au texte s’intériorise du moins chez ceux qui deviendront des lecteurs assidus.

 

Mais la lecture silencieuse a aussi une histoire culturelle. Au IIe siècle on apprend de Lucien de Samostate dans un essai intitulé « Contre un ignorant acheteur de livre  » que la coutume est encore de lire à voix haute et à plusieurs. Les livres sont rares, la lecture est communautaire. Nous devons à St Augustin d’avoir sans doute saisi – c’est du moins ce que J.L. Borges prétend – le moment de la naissance culturelle de la lecture silencieuse. Il raconte dans le 6e livre des Confessions en 384, l’impression profonde que laissa, sur ceux qui l’aperçurent, St Ambroise lisant dans une lecture silencieuse un parchemin de l’époque.

 

St Augustin fut l’élève de St Ambroise, il est possible que le nouveau rapport à l’intériorité qu’il a introduit dans le siècle soit en relation assez directe avec cette modification du rapport au texte écrit. La lecture silencieuse suppose un double intérieur à qui le texte est lu, elle suppose une réflexion interne.

 

__________

 

 

Mais I. Calvino sait tout cela mieux que moi, beaucoup mieux que moi. Ce « Baron perché » qui tente de s’isoler de l’influence d’autrui sait lorsqu’il écrit « Si par une nuit d’hiver un voyageur…« , que la structure de son œuvre sera narcissique, il sait aussi qu’il risque d’être emprisonné par une lecture analytique, il sait encore qu’il lui faut assurer son emprise sur son lecteur pour le rendre passionné, captif.

 

Cependant, il sait aussi maintenant que le lecteur a les moyens de se déprendre de cette emprise tel S. Freud face au Moïse de Michel Ange, de se libérer par l’analyse. Italo Calvino sait enfin que le lecteur peut s’échapper, lui échapper et que dès lors le rapport de possession risque de se retourner. Pour survivre l’œuvre doit alors pouvoir résister à l’analyse clinique, elle doit défendre « bec et ongles » son ombilic, son point de fuite, son échappée, sous peine de dépérir, réduite et ainsi détruite. L’œuvre aussi doit pouvoir survivre à l’emprise de la lecture, se laisser étreindre par celle-ci, mais sans succomber.

 

Aussi bien le lecteur sera-t-il le héros de « Si par une nuit d’hiver un voyageur…  » et sera-t-il confronté à l’insaisissable d’un livre qui lui glisse entre les doigts dès que son intérêt est allumé. Il voudrait pouvoir terminer et consommer jusqu’au bout ce livre hystérique, séducteur et fuyant tout à la fois. Ce livre dont les caprices d’éditeur, les caprices de libraires, les caprices d’auteurs, les caprices politiques, les caprices de la vie dérobent la suite. Mais chaque fois qu’il croit tenir enfin cette suite tellement désirée, le lecteur se retrouve en fait devant le début d’une autre histoire. L’opération se répète onze fois, de quoi remplir les quelques 277 pages de l’édition française du Seuil.

 

Du même coup Calvino en profite pour faire varier les styles, les ambiances, les lieux, il se livre à une véritable « tirade du texte » : il y a du Cyrano dans ce Calvino-là. L’ensemble reste unifié par le fil rouge de la quête du lecteur qui assure la trame de fond, relie et sépare à la fois les différents débuts du roman.

 

C’est ainsi tout à la fois un livre sur le livre et la lecture, un livre qui se donne comme recopiage du livre, d’un autre livre, un livre de scribe – du moins selon I. Calvino lui-même. Car au fur et à mesure que le procédé narratif déplie ses méandres, au fur et à mesure que le lecteur cherche à surmonter sa frustration par l’analyse, à se déprendre des effets de rupture que le procédé lui impose, pour l’amener ailleurs et toujours plus loin, il découvre un temps plus tard que ce qu’il croyait avoir extrait du processus de l’œuvre, ce qu’il croyait avoir prélevé de l’inconscience de celui-ci à lui-même, à son insu, l’auteur le lui livre clairement quelques pages plus loin.

 

Nonobstant il se retrouve Grosjean comme devant et s’en irait la queue basse, s’il n’avait le recours de se décaler d’un cran pour saisir que le livre procède comme un jeu qui auto-représenterait son propre processus au sein de son parcours, dans une figure intermédiaire dans laquelle le texte et le discours sur le texte s’interpénétreraient librement.

 

Croyez-vous qu’Italo Calvino ne sache pas cela aussi ? L’analyse de l’écriture et du livre est ici programmée dans le livre, l’analyse du livre est son propre parcours. L’écriture n’est pas seulement en abyme comme il est classique de le souligner, le style tentant de mimer la chose dont il parle, elle s’analyse et analyse sa propre mise en abyme, ses propres effets d’hypotipose. Cependant il ne s’agit pas d’un simple refus de s’engager, d’une manière de se reprendre sitôt que donné, de se ressaisir dès que la main de l’autre menace. Il s’agit de se donner autrement, sans être saisi par le lecteur, vampirisé par sa lecture et ainsi de se diriger en spirale vers son propre ombilic, son propre point de rencontre. L’œuvre ne fait pas du sur-place, elle voyage souterrainement du froid au chaud, de l’hiver au soleil, de la fuite au contact, du brouillard au net.

 

  1. Calvino sait tout de l’appareil d’emprise que décrit S. Freud dans les « Trois essais « .

 

Il sait qu’il procède par l’œil.

 

Ainsi dans le début d’histoire qui met en scène l’auteur Flannery. Celui-ci suit à l’aide d’une longue vue la lectrice en train de lire le livre qu’il n’a pas encore écrit, mais qu’il découvre et écrit au fur et à mesure que la lectrice elle-même le découvre et le lit.

 

La chose se complique d’un autre dédoublement quand deux auteurs rivaux sont mis en scène. Un autre auteur lorgne de sa longue vue le premier et ainsi va-t-il pouvoir s’emparer, pour l’écrire à son tour, du livre que l’œil de la lectrice découvre au premier. D’un auteur à l’autre circule le regard admiratif et émerveillé d’une femme.

 

Ainsi encore cette emprise de l’œil qu’il s’agit de retourner dans cette autre histoire non terminée qui met en scène un milliardaire qui, afin de se protéger contre tout enlèvement, s’enlève lui-même en se mettant en scène dans un jeu de miroir, de théâtre polydiptique, de machine catoptique, en une infinité de redoublement.

 

Mais I. Calvino sait aussi que l’emprise passe par la main. D’une prison, le signe d’une main, un appel en forme de suspens.

 

Ou encore cette main de la femme japonaise qui saisit le membre viril du héros d’une autre des histoires non terminée, elle la saisit « d’une prise franche et solide ». La main du héros à son tour glisse lentement sur le sein de la femme japonaise et vampirise petit à petit chaque sensation de ce sein. La main c’est ce avec quoi on écrit, mais aussi ce avec quoi par l’écrit on peut sucer la substance de la chose.

 

Car I. Calvino sait aussi que l’emprise s’exerce par la bouche. Le cannibalisme dit S. Freud en est la première forme. Mais I. Calvino sait que S. Freud se trompe, la première forme de l’emprise de la bouche c’est le vampirisme. La bouche d’emprise ce n’est pas une bouche qui mord, ou rarement, c’est une bouche qui suce adhésivement, qui vampirise, une bouche main, une bouche œil, mais toujours une bouche qui suce la moelle de l’autre, la « substantifique moelle » comme l’écriture – autre forme de l’appareil d’emprise… mais sublimée celle-ci – tente de sucer la substance des choses au risque d’être à son tour vampirisée par l’œil qui lit, la main qui tient le livre, dans sa matérialité essentielle.

 

Continuons l’histoire de la femme japonaise. Partie comme telle elle pourrait se terminer par une banale relation sexuelle si elle n’était observée par la fille de la femme japonaise d’une part et son mari d’autre part.

 

L’œil du mari observe en silence et assure ainsi, dit Calvino, son emprise sur l’amant de sa femme, l’œil duplique l’emprise du sexe de la femme japonaise sur le sexe du héros. Je cite :

 

Mon sexe « qui y fut sans embardée aspiré comme par une ventouse tandis que ses jambes maigres m’enserraient les flancs. Elle était habile et précise la dame Miyagi : ses pieds chaussés de bas de coton blanc croisé derrière mon sacrum me tenait comme dans un étau » (221-222).

 

Pris dans ce double, voire triple, étau comme le lecteur, est aussi pris dans l’étau du livre, de l’auteur et de la scène, suggestive à souhait, le héros enserré a alors recours à une procédure de déprise dont il se pourrait qu’elle fut celle que Calvino utilise en fragmentant son livre en onze histoires différentes. Je cite :

 

« Je réussis à subdiviser la sensation générale, celle de mon sexe enserré dans le sexe de M. Miyagi, en sensations parcellaires, fournies par des points particuliers d’elle et moi » (223).

 

Grâce à cette subdivision, ce pointillé de sensation et de zones d’insensibilité, le héros arrive à retrouver sa maîtrise, à prolonger la durée de la relation jusqu’à ce qu’il décide d’émettre sa substance au creux de ce sexe et non que celui-ci lui soutire, telle une ventouse, sa trace.

 

  1. Calvino l’écrit lui-même, la femme est transférée dans le livre. Quand l’écriture n’arrive pas à être matricide et incestueuse elle est menacée d’un retournement de l’emprise, il faut alors s’en sortir autrement.

 

Brouiller d’abord, brouiller sa trace dans une atmosphère de fumée de gare, une ambiance de brouillard – modèle film d’espionnage d’H. Bogard – comme dans la première histoire non terminée, celle qui précisément donne son titre à l’ouvrage.

 

Mais quand ce mode de brouillage ne suffit pas, quand l’emprisonnement menace, que l’étau du lecteur/auteur risque de se refermer sur soi, alors il faut partialiser, introduire des ruptures, des blancs – comme dans la seconde histoire – des discontinuités sensorielles, ou d’écriture, changer de style, introduire des fragments d’une autre histoire, de l’histoire d’un autre, chercher l’issue, la passe.

 

Dans la première histoire le « mot de passe » entre les espions, le maître-mot est un nom propre, celui de Zenon d’Elé.

 

Ici la main introduit une nouvelle page culturelle.

 

Zénon d’Elé fait partie des penseurs présocratiques de l’école de Millet. Ce fut le mignon préféré de Parménides, l’homme de la pensée du tout, de l’absolu.

 

Zenon d’Elé est resté célèbre dans l’histoire de l’humanité par son fameux paradoxe d’Achille et de la tortue destiné à montrer, contre toute évidence sensible, que la flèche de l’habile chasseur Achille ne peut atteindre sa cible. La procédure mathématique utilisée par Zenon d’Elé est de fragmenter la distance de l’un à l’autre à l’infini pour faire apparaître qu’il y a toujours un reste et que la flèche ne peut atteindre la tortue.

 

Fractionner, fragmenter la continuité du mouvement pour prouver l’échec de l’emprise, l’échec du contact meurtrier. Il faudra attendre Gauchy pour que celui-ci démontre mathématiquement que les suites infinies mais convergentes convergent dans R. donc

1/2 + 1/4 + 1/8 + … + 1/2n + … = 1.

 

Le paradoxe est le suivant. Nous avons besoin de l’infini pour penser la continuité et ainsi la limite. L’infini dans son concept concret est nécessaire pour démontrer la limite. Ainsi du paradoxe du diable qui dit un jour à Dieu : « Puisque tu es tout-puissant alors construis donc une pierre tellement haute que tu ne puisses pas passer au-dessus ».

 

Dès lors pour Dieu c’est l’enfer.

 

Dans Temps Zéro, I. Calvino propose une variante temporelle d’Achille et de la tortue. Un lion saute sur le héros qui décoche sa flèche. Le roman se déroule dans cet indécidable temporel au moment où le héros ne sait pas encore si sa flèche atteindra ou n’atteindra pas le lion. Question de vie ou de mort.

 

(Fin de la page culturelle.)

 

Fractionner, fragmenter la continuité du mouvement ou du temps pour éviter le contact meurtrier, la destruction. Mais c’est pour faire pièce à la « machine à analyser » les textes que met en scène une autre des histoires. Car celle-ci procède aussi par fragmentation. Elle est chargée de mettre le livre en séquence répétitive et signifiante, en structure morphologique et paradigmatique. Mais la machine s’emballe, devient folle, elle fragmente la fragmentation, la redouble à l’infini pour produire au bout du compte la seule somme des lettres de l’alphabet, égrenant lettre par lettre, en juste nombre, l’intégralité de celles que le livre utilise, à l’absurde. Le mot partialisé dans la somme de ses lettres, le livre analysé dans le nombre de ses lettres échappe ainsi à la réduction analytique.

 

Se fragmenter, se partialiser pour échapper à la fragmentation, à la partialisation. Dire la partialisation par l’analyse, sa partialité, son caractère partiel aussi en partialisant le texte lui-même.

 

Zenon d’Elé était le mignon de Parménides, l’homme du tout. Le tout hante aussi bien le texte. Le tout de l’identité idéale du livre à soi-même ou à la chose écrite que recherche passionnément celle qui est appelée la lectrice, le tout d’un auteur à la fois auteur, lecteur et scribe dans le même temps; le tout du monde que nous sommes invités à parcourir et qui rencontre dans sa quête l’Ars magna, l’occulte.

 

Comme dans le récent « Pendule de Foucault  » autre métaphore du tout, autre quête du tout, du plan, quête du tout dans l’occulte, la face cachée du monde, la quête du tout ne se résout que dans le point zéro, point d’indécidabilité du temps ou de l’espace, ombilic de ceux-ci.

 

Il est temps maintenant de révéler le secret du livre. Le livre « Si par une nuit d’hiver un voyageur…  » est une machine à faire croire au lecteur qu’il est identique à lui-même c’est-à-dire qu’il procède d’une histoire non terminée à l’autre qu’il procède ainsi pour tenir le lecteur en haleine et ainsi lui échapper.

 

Faire croire au lecteur que les histoires ne se terminent pas, lui faire croire qu’il doit être frustré par la rupture successive des textes et peut-être qu’il y a lieu de chercher une continuité occulte d’une histoire à l’autre.

 

Or, chaque partie est un tout, chaque histoire peut être considérée comme terminée, elle se suffit à elle-même. La partialisation est apparente, elle cache le tout, elle cache sa fin dans sa suspension même.

Et cela I. Calvino ne l’écrit pas.

 

Pas plus qu’il n’écrit qu’après tout la meilleure manière d’échapper à l’emprise est peut-être de s’y laisser prendre, qu’elle est constituée rétroactivement, s’alimente dans le mouvement qui cherche à lui échapper.

 

Mais dans un mouvement furtif j’ai soudain une impression, encore une impression folle. I. Calvino me connaît, il sait que je vais écrire sur son livre, mieux il m’envoie sa main pour écrire cette analyse, il la programme, me met en scène, me réfléchit, d’où mon trouble… Je n’existerais donc plus, le miroir serait vide. Allons je délire

Je ne délirais pas, j’ouvris plus tard le « Chevalier inexistant « . Italo Calvino y met en scène un Raymond de Roussillon qui va à la guerre pour venger son père. A qui venge son père il n’est rien d’impossible… Le déguisement est grossier il n’a même pas pris la peine de changer l’initiale de mon prénom, quant au nom il l’a gardé tel quel. A la fin de l’histoire Raymond de Roussillon habite la peau métallique du « Chevalier inexistant « , implacable analyste de la chose et du monde puisque sans corps, sans besoin.

 

Ici la main a introduit, en surcharge, une nouvelle note culturelle.

 

Italo Calcino est maintenant mort.

Il ne termina pas le livre qu’il avait en cours et qu’il comptait consacrer aux cinq sens.

Il eut le temps de terminer trois des cinq essais :

l’un consacré au nez et à l’odorat,

le second     au goût,

le troisième   à l’ouïe.

 

Il n’eut pas le temps d’écrire ni sur le regard,

ni sur le toucher.

 

Et cela I. Calvino ne le savait pas en 1979 quand il écrivait « Si par une nuit d’hiver un voyageur … » son livre sur l’analyse interminable d’un livre non terminé.

 

Alors la main rédigea une dernière phrase à moi adressée :

« à toi de jouer maintenant ».

 

Elle posa la plume et se signa. La dernière page culturelle était une notice nécrologique.

 

La main me serra cinq doigts. Je la regardais, elle était maintenant décharnée comme si l’écriture avait pompé sa substance charnelle, l’avait vidée de sa sève. Eh puis elle saisit une main qui passait et s’en alla. J’étais dépossédé mais un peu triste, j’avais pris plaisir en sa compagnie, j’étais aussi désemparé : allais-je pouvoir jouer ce texte ?

 

Je décidai de m’habiller pour venir ici. N’étant guère artiste il me fallait me vêtir en conséquence. Je mis une chemise noire soyeuse, un pantalon noir de soirée et puis une veste Camel en cachemire, je descendis.

 

Dans la rue, comme j’allais chercher ma voiture, je vis un enfant qui se penchait sur un parchemin trouvé par terre. Il le déplia, j’eus le temps de lire :

« Les hommes naissent libres et égaux en droit ».

 

Mais déjà son père l’appelait. Il trottina joyeusement vers lui pour lui donner la main : il y avait une rue à traverser.

 

Arrivé ici je n’étais guère brillant, j’avais la gorge serrée et je crois un peu sèche, alors je me dirigeais vers les toilettes, j’y trouverais sûrement un lavabo et de quoi boire.

 

Une formule me vint à l’esprit « j’aimerais danser mon texte – le danser dans le style vogue ». J’arrivais devant la porte et j’entrais. Il y avait là un homme vêtu d’un costume bleu marine classique, un ami, il me sourit pour m’encourager. Il avait aussi quelque chose d’un auteur italien connu. Comment s’appelait-il déjà ?… Je tournais mon regard, il y avait un miroir.